Pour Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du
Management des Services Immobiliers
, la politique logement
du gouvernement est devenue illisible. L’Etat étant partagé
entre le souci de réaliser des économies et celui de soutenir
le secteur…

« Le logement vaut bien une relance. Le Premier ministre et la
ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la
ruralité l’ont pensé dès leur arrivée aux affaires et ont
travaillé à un plan d’action, présentée en grandes pompes dès
septembre. La communauté professionnelle et les ménages
français y ont vu un début de salut. Les détracteurs de Cécile
Duflot ont trouvé là matière à dire qu’elle était désavouée
dans son propre camps et que l’ALUR serait détricotée plus vite
qu’elle n’avait été tricotée.

Que voit-on deux mois plus tard seulement ? On ne détricote pas
grand’chose à l’abord de l’hiver… Une GUL (garantie
universelle des loyers) sur laquelle rien n’est clair, en
dehors du dispositif de caution des étudiants, tout-à-fait
bienvenu : mort clinique ? Enterrement ? On annonce la fin de
la GRL (garantie des risques locatifs), qui préexistait depuis
des années et dont 350.000 propriétaires bailleurs ont profité,
sans savoir si les locations concernées seront protégées par un
autre dispositif. Bailleurs et administrateurs de biens
commencent à se faire du mouron. L’encadrement des loyers ? Il
n’aurait lieu qu’à Paris, mais des demandes ont été formulées
ailleurs par des élus locaux, et pas des moindres, tels
Jean-Paul Huchon pour l’Ile-de-France ou Martine Aubry pour
Lille. A ces élus, le gouvernement n’a pas opposé de fin de non
recevoir : au moment de boucler la réforme territoriale, pas
question de malmener ces figures de la majorité et du tissu
territorial.

Et puis on voit d’étranges entorses au contrat de relance du
logement, faites ni vu ni connu au cours de l’examen du projet
de loi de finances initiale pour 2015 à l’Assemblée Nationale.
Certaines sont clairement en lien avec ce besoin de ménager les
collectivités locales et territoriales. Ainsi, le gouvernement,
après avoir autorisé les maires des villes en zone
tendue
à relever de 20% le montant de la taxe d’habitation
sur les résidences secondaires, i ncite le parlement à pérenniser la hausse de
3,8% à 4,5%
de la part des droits de mutation revenant aux
départements -initialement prévue pour deux ans-.

Ce n’est pas tout. Les aides personnelles à l’accession, après
avoir été purement et simplement supprimées, survivent encore
un an, mais leur mort est programmée. La mesure touche sans
doute 50.000 familles allocataires par an, acquéreurs de neuf
et d’ancien… Bercy n’a pas produit d’étude d’impact. On sait
juste qu’il y aura impact. Enfin, après avoir bravé les tabous
et promis que le dispositif Pinel permettrait aux investisseurs
dans le neuf de loger ascendants et descendants, le Premier
ministre donne des gages à la frange symboliste de sa majorité
: cette souplesse n’est plus d’actualité, perçue par certains
parlementaires comme un cadeau fait aux riches – qui ont les
moyens d’investir pour leurs parents ou leurs enfants,
éventuellement à des loyers d’amis -.

En fait, il y a bien deux lignes dans l’action gouvernementale,
et ce péril est structurel : la recherche de produits, en
rognant les aides ou en augmentant la fiscalité, sans
considération de la politique sectorielle concernée, et le
souci de soutenir tel secteur créateur de richesse, au prix de
mesures ciblées. De toute évidence, le ministre de l’économie,
alors que Bruxelles nous a à l’œil et observe l’évolution de
notre déficit public, a plus de poids que la tendre ministre du
logement. Monsieur Valls, dans ce combat, est comme écartelé.
Les économies d’Emmanuel Macron le disputent à la politique
économique du logement, incarnée par Sylvia Pinel. Et comme les
attentes du premier sont un peu rustiques et sans autre
objectif que de faire rentrer de l’argent dans les caisses de
l’Etat, on n’en parle pas et on tente de les satisfaire en
catimini, sans tambour ni trompette, si possible nuitamment
dans l’hémicycle. Il appartient ensuite à la seconde de
défendre l’indéfendable devant les lobbies… Dur métier,
croyez-moi, que Madame Pinel fait avec grâce et charme, et que
Madame Duflot n’aurait pas voulu faire.

Ce qui embêtant, c’est le sentiment brouillon que cela laisse.
On soutient le logement ou on ne le soutient pas ? Certes, il
faut faire des économies, mais pas à courte vue, sans réflexion
préalable, et il faut commencer par accélérer avant de freiner.
On pourrait appliquer à ce dilemme entre l’économie et les
économies cette jolie phrase de Coluche, dans l’un de ses
sketches les plus illustres : « Les gardiens de la paix ? Plutôt
que de nous la garder, ils feraient mieux de nous la foutre. »
Et si on relançait l’économie du logement à toutes forces, sans
mettre des bâtons dans les roues ? »

Henry Buzy-Cazaux